L'IEF
Publié le 18 Mars 2011
ON a décidé que l'école était la seule entité capable de juger du niveau des enfants. Niveau de quoi d'ailleurs ? Le niveau de mériter passer au niveau supérieur justement ? Celui de mériter une note qui le "classera" par rapport à ses camarades ? Et quand, vers 16 ans (au pif hein ), on doit choisir une orientation, celle-ci ne se base pas sur les réussites, mais sur les lacunes. Genre, tu vas faire S parce que t'écris comme un pied et t'es nul en français. Et donc si tu fais S, ben tu feras partie de ceux qui feront de longues études pour être ... médecin (j'ai presque rien contre eux, faut pas croire, c'est juste un exemple).
Comment aimer l'école quand on se sent enfermé dans cet univers de "quite ou double". Soit t'es bon, et alors l'école est LA solution pour toi, soit t'es nul et bon, ben, c'est dommage mais tu vas devoir envisager que ta vie va être un peu merdique, non ? (merdique signifiant bien sur pas bien rémunérée).
Et entre la réussite absolue (comprendre environ 23 ans d'études avec 17 de moyenne minimum) et l'échec total (ne pas aimer l'école et vouloir vite vite la quitter), y'a ..... je sais pas moi ..... ben .... RIEN.
Et pourtant, l'école n'est pas la seule cellule capable d'évaluer le mérite d'un enfant.
L'école a oublié que c'est parmi les autres que l'homme revèle sa vraie nature.
Et aujourd'hui, à une maman me demandant "mais vous n'avez pas peur que vos enfants ne soient pas intégrés dans la société ?", au lieu de faire comme le chien sur la tablette arrière de la voiture qui hoche la tête en faisant oui, j'ai répondu "mais vous n'avez pas peur que vos enfants loupent tout ce qu'il y a de chouette dans la vie à force d'aller à l'école ?"
C'était pas très fairplay, je l'admets, mais bon, y'a des fois, elle me gonfle cette idée que seule l'école à le monopole de l'évaluation de ... quoi d'ailleurs ? Je ne sais toujours pas. De la vraie vie peut-être...
Savoir faire des divisions à virgules à pile 10 ans ?
Connaître le déroulement de la première guerre mondiale à 12 ans 1/3 ?
Ecrire l'imparfait du conditionnel sans faute pour passer en 5ème ?
Et puis si l'école était si complète, pourquoi avoir besoin de rallonger le temps de cours (6h par jour en primaire, les élèves français sont ceux qui restent le cul sur leur chaise le plus longtemps en Europe par jour, pour les résultats les plus médiocres) en donnant des devoirs aux enfants.
Et si plutôt que des devoirs, on leur donnait des droits. Le droit de développer un art, une tendance à la musique, le droit d'écrire des poèmes sans respecter les règles d'écriture qui datent de plusieurs siècles, le droit d'apprendre à faire les choses simples de la vie de tous les jours, en prenant juste parfois, le temps de l'écoute et de la patience. Ca, la patience, je n'en ai pas tous les jours, mais j'ai remarqué quelques petites choses simples:
- quand Ronan m'aide en cuisine, il a souvent ensuite envie de faire de la peinture ou d'écrire. Comme si de manier le couteau ou la fourchette lui donnait envie de se servir de ses mains.
- quand il va prendre son goûter dehors, il revient en demandant ce que font les drôles de bêtes noires dans les maracudjas et alors sa soeur lui explique (avec ses mots, c'est parfois très drôle) la pollinisation.
- quand il s'ennuit et que je le laisse s'ennuyer, il revient avec des questions existentielles qu'il a dû aller chercher loin dans son esprit.
- quand il a faim, je l'ai déjà vu sortir oeufs, beurre, farine et nous dire "ben moi je me fais un gâteau !"
Alors je me dis que je suis incapable d'évaluer mon fils par rapport à d'autres enfants de son âge. Je ne sais pas comment les autres enfants réagissent. Je sais juste que ce petit bonhomme-là m'a appris que quoiqu'il arrive, les choses se font. Il peut rester des jours entiers à jour aux kaplas et aux playmobils, à nager et à faire de la peinture, et je commence à me dire que j'en ai fait un bienheureux un peu neu-neu, et puis d'un coup, pendant 3 jours, il va s'asseoir à table, prendre des feutres, écrire, dessiner, compter et d'un seul coup, je réalise que tout ce que je lui ai montré, il l'a retenu. Parfois, cela remonte à plusieurs semaines, c'est assez troublant.
C'est comme ça qu'il a écrit son prénom après 15 jours sans avoir RIEN fait (c'est ironique, je veux dire rien fait par rapport à un système scolaire), qu'il sait associer une quinzaine de minuscules à leurs majuscules correspondantes, qu'il sait écrire tous les chiffres (et à l'endroit - vieux souvenirs des chiffres inversés de Gauvain), et pof, il retourne dans son monde enfantin et sans contraintes (je veux dire sans contraintes scolaires) pendant quelques jours où des fois, vieille habitude, je me redis que j'en ai fait un bienheureux un peu neu-neu.
Je n'en suis pas encore au stade de le laisser apprendre comme il veut, de lui-même. Je ne peux m'empêcher de glisser quelques remarques "scolaires" de temps en temps. De choisir des jeux de société un peu éducatifs tout de même (il a sa soeur pour les autres jeux ). Mais je sais que même si je ne faisais rien, il finirait par savoir.
Savoir quoi ? Ben je suppose que ce qui est important, c'est de lire et écrire ? Moi je me dis que ce qui est important, c'est d'AIMER lire et écrire. Et là, j'ai un rôle à jouer. Je crois. Peut-être. Mais pas que moi.
Parce que l'IEF, l'instruction en famille, c'est aussi l'échange et le partage:
Des cours de sciences d'un frère à sa soeur, dehors...
Après la lecture d'un livre sur les chevaliers:
(je ne me souviens plus que le héros avait des lunettes de soleil dans l'histoire)
Apprendre à couper en 2, puis en 3, puis en 4, tout en aidant maman (c'est du giromon qu'il coupe et oui, avec un couteau qui coupe vraiment, c'est moins dangeureux qu'un couteau à bout rond sur lequel il faut appuyer très fort pour un résultat nul et qui risque de glisser violement)
Des fois, on sent l'agacement qui pointe quand le problème de maths semble poser un problème (arf, c'est sur qu'avec un nom comme ça, c'est pas engageant).
(vous voyez mal, mais les yeux sont noirs et les sourcils froncés).
Ils n'ont pas "la belle vie", ils ne sont pas surprotégés. Ils ne sont pas introvertis ni timides, ils ne sont pas hors du monde. Ils mettent le couvert, débarassent la table et il faut les rappeler à l'ordre comme tous les enfants, ils jouent à l'ordinateur et à la console et il faut les rappeler à l'ordre comme tous les enfants, ils se disputent, se font disputer ou punir, ils laissent traîner leurs affaires partout, ils savent où se trouve le Japon et comment fonctionne les plaques tectoniques, et même depuis peu, ce qu'est un risque nucléaire, ils font du sport, ont des copains et des copines, invitent et sont invités, râlent pour aller au lit, et ils y vont quand même à 20h, comme tous les enfants.
Ils ne vont pas à l'école, c'est la seule différence.